Le Sommeil du prisonnier, Les Enchaînés, Un écorché, Les Milles en feu, Les Créatures de l’imagination, Une danseuse noire, ces œuvres éloquentes sont exposées cet automne avec une centaine d’autres sur le site mémorial du Camp des Milles. Leurs auteurs ? Hans Bellmer, Max Ernst, Ferdinand Springer et Wols, quatre grands artistes du XXe siècle, quatre Allemands fuyant le nazisme venus goûter l’accueil d’une France républicaine. Sans se douter que, dès le 3 septembre 1939, alors que la France entrait dans la Seconde Guerre mondiale, devenus soudain « sujets ennemis », ils seraient emprisonnés avec tant d’autres dans l’ancienne briqueterie du Camp des Milles. Aux portes d’Aix-en-Provence. Deux prix Nobel et bien des artistes de toutes disciplines y furent aussi internés, avec tous ceux considérés comme des « indésirables » par le régime de Vichy. Et en août 1942, le Camp des Milles, voué à la déportation, va expédier plus de 2 000 hommes, femmes et enfants juifs vers Auschwitz. Depuis un an, ce camp est devenu site mémorial, l’un des très rares en Europe. Dans ces temps troublés par les relents de peste brune, le devoir de mémoire fait figure de nécessité. La peinture n’est-elle pas (comme disait Picasso) « un instrument de guerre offensif et défensif contre l’ennemi » ? C’est au Camp des Milles qu’il faut voir comment quatre grands artistes allemands ont créé pour résister à l’oppression.

Pascale Lismonde

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