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Pierre Klossowski – Tableaux vivants


Sous la direction d’Agnès de la Beaumelle
Éditions Gallimard


L’oeuvre dessiné de Pierre Klossowski n’en finit pas d’imposer son irréductible singularité. Venu tardivement au dessin, pour illustrer puis remplacer l’écriture de fiction, le travail modeste du crayon noir et du crayon de couleur surprend de la part de ce brillant érudit, traducteur et commentateur des grands textes de l’Antiquité et des Pères de l’Église, des écrits de Sade, de Kierkegaard et de Nietzsche. L’art de Pierre Klossowski dans ses dessins est celui de la dissimulation, afin d’attirer le spectateur vers une image qui semble se donner à voir en toute transparence. Le spectateur, rendu voyeur, devient le souffleur de ces figures diaphanes, qui sont des doubles ou des simulacres de lui-même. Des glissements incessants, en multiples jeux de miroirs, sont opérés entre le réel et le fictif, l’intime et le mythe, le profane et le sacré. Ses dessins semblent conçus comme sur une estrade de théâtre. Nous sommes face à eux comme devant une représentation. Mais l’équivoque provient des figures aux gestes suspendus qui semblent s’émanciper de leur jeu et en contredire le sens narratif. Elles nous apparaissent ainsi “surprises” par l’effraction d’un élément étranger : notre regard. Par le biais des stéréotypes les plus convenus de l’histoire de l’art (enluminure médiévale, imagerie du livre d’enfant, rhétorique de l’art baroque, et autres académismes) et par l’“éternelle” répétition des mêmes thèmes, Klossowski questionne aussi bien l’image que notre rapport fantasmé à cette même image. Il disait à ce propos : « L’image me dicte ce que je dois dire. Oui, la vision exige que je dise tout ce que me donne la vision et tout ce que je trouve dans la vision. Nous fermons les yeux, ou bien nous les gardons ouverts, mais si nous les fermons, nous voyons tout à fait autre chose que ce qui se passe effectivement, nous voyons ce dont nous parlons.»

Louis Rogeon


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