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Robert Irwin

Robert Irwin : Robert Irwin, Untitled - Faceted (2 of 2) 2021 Acrylic Overall: 81.3 x 81.3 x 299.7 cm | 32 x 32 x 118 in. 6 parts, each: 30.5 x 30.5 x 299.7 cm |12 x 12 x 118 in. © ARS, NY and DACS, London 2025. Photo © Pablo Mason   


L'exposition


La galerie White Cube à Paris réalise une monographie sur le travail de Robert Irwin, pionnier du mouvement "Light and Space". Né dans le sud de la Californie dans les années 1960, ce courant artistique s’intéresse aux phénomènes de perception, immergeant le spectateur dans une expérience multisensorielle. Huit œuvres murales et une sculpture monumentale, réalisée par l’artiste vers la fin de sa vie, sont présentées. Cette exposition offre un aperçu saisissant de la pratique de Robert Irwin, qui a profondément transformé notre rapport à l’art en explorant la lumière et l’espace dans un dialogue continu.

Robert Irwin débute sa carrière dans les années 1950 en tant que peintre expressionniste abstrait. Très vite, il délaisse la peinture au profit d’installations lumineuses et développe un art minimaliste, sensoriel et silencieux, engageant le spectateur dans une expérience directe et immersive. L’exposition au White Cube rend compte de cette recherche « sur notre potentiel à connaître le monde qui nous entoure et à y être activement présents. » (Robert Irwin, 2018) Il manipule la lumière à l’aide de tubes fluorescents, de feuilles gélatineuses colorées et de ruban adhésif, créant ainsi de véritables compositions lumineuses. Sedona AZ (2015) est un exemple de ces variations visuelles, qui par l’alternance rythmique de tubes blancs, bleus, verts et jaunes, évoque le lever du soleil dans une harmonie presque musicale. Chaque œuvre devient une étude sur la façon dont nous recevons la lumière. Pour Irwin, la pièce se suffit à elle-même dès lors qu’elle prend en compte l’espace. White Cube a ainsi obstrué certaines fenêtres pour permettre aux installations de déployer toute leur puissance lumineuse et perceptive. Empire #4 (2014-15), composée de sept néons fluorescents dont l’intensité diminue progressivement, propose une sculpture de lumière autonome, capable de générer ses propres contrastes, ombres et halos sans source d’éclairage supplémentaire.

Contrairement à James Turrell, avec qui il partage certaines affinités esthétiques, Irwin ne cherche pas à mystifier la lumière. Son approche, plus méthodique, repose sur une maîtrise rigoureuse des matériaux et des variations chromatiques. Il se distingue également de Dan Flavin, autre figure majeure du minimalisme, en plaçant la perception humaine et l’expérience spatiale au cœur de sa démarche*. Là où Flavin propose des assemblages de néons dans une logique proche du "ready-made" de Marcel Duchamp – où l’objet exposé est privé de sa fonction première, sans transformation apparente – Irwin transcende les panneaux lumineux industriels des grandes surfaces. Il les détourne pour créer une matière plastique poétique, capable de modifier subtilement notre relation à l’espace et à la lumière. Tandis que Flavin mise sur la présence brute de la lumière dans des combinaisons simples et contextuelles, Irwin développe un art de la perception active, où l’œuvre se révèle par l’engagement du spectateur. Il ne s’agit plus de signifier, mais de percevoir. C’est là l’une de ses forces : avoir recentré l’attention sur ce que l’œil voit, sur ce que le corps ressent, sur la manière dont l’espace, le temps et la lumière redéfinissent notre conscience du visible. L’installation centrale, Untitled – Faceted (2021), en est la démonstration. Composée de six colonnes en acrylique pigmenté, hautes de trois mètres, cette sculpture invite le visiteur à tourner autour d’elle. À chaque déplacement, les couleurs – rouges, vertes, grises – se métamorphosent. L’installation se transforme, évolue, se ternit ou s’illumine, révélant l’intensité du geste créateur de l’artiste, mais aussi l’importance du spectateur, qui joue un rôle dans l’activation de l’œuvre.

Avec cette monographie, la galerie rappelle combien Robert Irwin a contribué à ouvrir de nouveaux horizons artistiques. Son œuvre, à la fois scientifique, réaliste et accessible, place la perception au centre du processus créatif. En manipulant la lumière comme une matière vivante, il nous incite à voir autrement, à ralentir et à ressentir. Son travail, méthodique et subtil, crée des seuils lumineux qui apparaissent et disparaissent. Plus qu’un simple progrès dans notre manière de regarder une œuvre, Robert Irwin a redéfini ce que « regarder » peut signifier, sous un angle plus simple, plus sobre et moins codifié.

*Traduction originale « Irwin’s oeuvre has been driven by his continuous inquiry into human perception and use of space. » Robert Irwin, Light and Space, LAS, exhibition from 5 December 2021 to 30 January 2022, Kraftwerk, Berlin.

Agathe Fumey


Quand


21/05/2025 - 19/07/2025


White Cube

(Paris)

Les artistes