« En rappelant aux mémoires la Légende d’Ys, j’ai voulu signifier un ancrage mythologique de la montée des eaux en Bretagne, alors qu’on prédit que seules l’Île-aux-Moines et celle d’Arz émergeraient encore dans le Golfe du Morbihan d’ici cinquante ans, explique Emmanuel Daydé, son commissaire. Mais je suis allé chercher deux artistes d’une autre mer, la Méditerranée, pour y amener d’autres échos. » Donnant à sa princesse d’Ys les mamelles de l’Artémis d’Éphèse Mâkhi Xenakis a aussi tomber sur le papier un déluge d’encre bleue se stabilisant en rouleaux sans fin, maëlstroms et grande vague de cinq mètres de long, se remémorant les vertiges des eaux l’englobant en Corse avec son père le compositeur Iannis Xenakis. Venu en résidence à Kerguéhennec en octobre dernier, le Franco-libanais Zad Moultaka s’est également mesuré aux éléments pour réaliser son immense Glaz – du nom que l’on donne en breton aux variations infinies de la couleur des flots à marée haute –, lé de papier de dix mètres sur cinq. Mais sans autre assistance que celle de son petit corps sous la pluie, il a abdiqué toute grandiloquence pour chercher un contact tout en humilité avec l’eau que lui jetait les cieux. Reprenant la temporalité en va-et-vient du palindrome qu’il affectionne autant pour ses compositions musicales que pour ses installations – à l’instar de Šamaš au pavillon du Liban de la Biennale de Venise 2017 –, Moultaka y a adjoint la vidéo d’un déluge d’images réalisé à partir d’un modèle de chute d’eau et les présences statuaires de sept cônes en papier-terre d’où émerge la lumière de feuilles d’or.

Extrait de l'article de Tom Laurent publié dans le N°105 de la revue Art Absolument. Parution le 17 mars 2023.

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