Basquiat x Warhol : à quatre mains
L'exposition
Délaissant son sempiternel procédé sérigraphique, Warhol reprend ses pinceaux et utilise un épiscope pour projeter son dessin grêle et ses couleurs flashy sur la toile. Poussant les formats à l’américaine, il incite Basquiat à recouvrir et à saturer des surfaces de plus en plus grandes – jusqu’aux African masks de dix mètres de long, qu’Andy considère comme leur « chef-d’œuvre africain ». Si la collaboration est sans efforts, elle n’est pas sans nuages. « Jean-Michel est venu peindre au bureau mais il s’est endormi sur le sol, on aurait dit un clochard », note Warhol. Avant d’ajouter : « Je l’ai réveillé, il a fait deux chefs-d’œuvre super. » Lui-même paraît avoir le souffle court, se contentant de multiplier à l’infini les logos de General Electric ou de Arm § Hammer avec manchettes de journaux. À vouloir faire les choses en grand, la Fondation Vuitton a vu sans doute trop grand dans son désir de réhabilitation et noie le visiteur sous une abondance de répétitions mécaniques, que seuls les accents d’un Basquiat rageur sauvent de l’insignifiance. Les pièces d’exception, rares, n’en sont que plus bouleversantes, tels les sobres Olympic Rings, où un visage noir obstrue l’un des anneaux en guise de protestation après les JO de Los Angeles à l’été 1984. Ou encore les Ten punching bags (Last Supper), où le doux visage du Christ de Léonard répété par le très catholique Warhol se voit cogné par le mot « Judge » peint en guise de commentaire acerbe par un Basquiat vaudouisant. La presse coupe court à cette idylle et au souhait, un peu vain, d’Andy de « ne pas savoir qui a fait quoi », en éreintant leur exposition commune à la galerie Tony Shafrazi, où les deux challengers s’affichent en tenue de boxeurs. Le New York Times écrit : « Cette collaboration a tout l’air d’une manipulation de Warhol, où Basquiat fait figure d’accessoire. » Alors qu’un seul tableau se vend (sur les 15 présentés), Jean-Michel, se sentant utilisé, tue le père en coupant les ponts avec Andy.
Extrait de l'article de Emmanuel Daydé publié dans le N°106 de la revue Art Absolument. Parution le 17 mai 2023
Extrait de l'article de Emmanuel Daydé publié dans le N°106 de la revue Art Absolument. Parution le 17 mai 2023
Quand
05/04/2023 - 28/08/2023