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Adel Abdessemed. Mon enfant

Adel Abdessemed. Mon enfant : Vue de l'exposition d'Adel Abdessemed, Mon enfant, Memorial de la Shoah, Paris, 2023. Photo : © Yonathan Kellerman   


L'exposition


C’est en voyant confondue avec des images d’enfants atteint de tumeurs ou victimes d’accidents de voiture sur Internet la célèbre photographie d’un petit garçon lors d’une arrestation collective dans le ghetto de Varsovie, bras levés et regard perdu, qu’Adel Abdessemed a ressenti le besoin de l’extraire de ce contexte. Prise sur ordre de Krüger, chef suprême de la S.S. et de la police dans l’Est, pour attester de ses « efforts […] pour la déjudaïsation de l’Europe et du globe terrestre tout entier » après l’insurrection juive d’avril et mai 1943 et longtemps prise pour un montage, la vulnérabilité de l’enfant en culotte courte a valu à cette image un tout autre destin. De fait, si on peut imaginer que cet enfant est aussi pour Abdessemed un père – puisqu’il a lui dicté d’accoucher de son œuvre –, il est surtout certain que l’artiste a voulu en incarner l’innocence en en transposant l’image en volume en 2014, dans une sculpture grandeur nature, l’appelant « Mon enfant ». Pour le 80e anniversaire du soulèvement du ghetto de Varsovie, il a donc placé cette figure réalisée en ivoire – « un matériau qui ne meurt jamais et qui absorbe la lumière plutôt qu’il ne la reflète » – dans la crypte du Mémorial de la Shoah. Sous le feu d’un projecteur unique, ce coup de phare pour lequel Abdessemed s’est adjoint l’aide de Jean Kalman laisse le reste du lieu dans la pénombre. « Cette question de la lumière et de l’obscurantisme est présente dans toutes les religions monothéistes depuis les zoroastriens, avec cette pensée que d’une étincelle peut rejaillir la vie » explique l’artiste : la force de celle qui éclaire la figure anonyme de l’enfant se fait presque aveuglant, autant pour lui et son regard dans le vague que pour nous. Tout comme, porté par la proximité de la flamme du mémorial, « Mon enfant » se fait lumière à son tour – « flambeau », dit Hélène Cixous. Laissés sous film plastique, encore entourés de leurs mousses de protection, trois grands dessins de soldats restent donc tapis dans l’ombre, comme un arrangement provisoire. « J’ai voulu que ces figures se montrent prêts à être déménager, pour que cet enfant puisse pour sa part trouver une place de l’ordre de l’immortalité, un peu comme les lucioles ou les étoiles filantes qu’on voit briller même si elles sont mortes. »

Tom Laurent

Quand


05/04/2023 - 14/05/2023

Les artistes


Adel Abdessemed