Ce n’est pas un hasard si l’Album zutique ouvre cette exposition organisée par Blandine Chavannes et l’artiste Jean-Jacques Lebel. Y inaugurant une généalogie de l’art collectif, ce recueil est le fait de poètes que la postérité n’a pas retenus et d’autres parmi les plus illustres – Verlaine, Rimbaud ou Charles Cros, par ailleurs inventeur du phonographe. Entre 1871, ils s’appliquent à cosigner et compiler leurs textes dans le sillage de la Commune de Paris, que Jean-Jacques Lebel résume comme une « conquête du droit à s’autogérer ». Libertaires, les élections de l’artiste né en 1936 rejoignent largement celles des surréalistes, auxquels il fut lié dès son enfance – son père Robert, premier biographe de Duchamp, fut un très-proche de Breton à partir de 1942. Une place importante leur est donnée dans l’exposition, suivant la pente qui pousse à mythifier chacune de leurs actions. Depuis les premiers sketchs écrits par Breton et Soupault au début des années 1920 jusqu’aux peintures à quatre mains de Matta et Brauner, c’est surtout les cadavres exquis, dessins communiqués ou jeu de tarot réalisés par le groupe à géométrie variable d’artistes et de poètes qui font figures de canons de leurs pratiques collectives. Mais en s’émerveillant de la présence d’un paravent surréaliste, paraphé durant l’année 1937 par les habitués de la galerie Gradiva, Lebel tombe dans l’écueil de réduire l’œuvre collective à une liste de signatures, forcément glorieuses. Il y a alors, comme dans L’Œil cacodylate (1921) initié par Picabia et sa surface emplie de noms et de messages propres à alimenter une mythographie, beaucoup de « je » dans le « nous », et bien peu au-delà.

Extrait de l'article de Tom Laurent publié dans le N°104 de la revue Art Absolument. Parution le 3 février 2023

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