EN

Comme un fleuve qui déborde

Comme un fleuve qui déborde : Pierre Tilman.ile-flottante-crayons-de-couleurs-2012-70cm x 100 cm   


L'exposition


25 artistes pour un débordement de l'art

Partant de la revue Le Bout des Bordes – initiée en 1975 par Jean-Luc Parant, une sorte de journal de bord de l'artiste –, cet ensemble artistique s'est rapidement élargi, appelant sans cesse de nouveaux volumes, de nouvelles rééditions, et s'échappe désormais du papier récemment imprimé par Acte Sud pour s'exposer sur les murs de l'espace Topographie de l'art où elle trouve une extension idéale. En plus de Jean-Luc Parant, vingt-quatre artistes ont été choisi parmi les quelques 280 qu'on pouvait retrouver dans la revue, « vingt-quatre artistes comme les vingt-quatre heures d’un jour et d’une nuit », explique Kristell Loquet, « c’est-à-dire d’un tour complet de la terre sur elle-même devant le soleil, dans le grand mouvement des étoiles et des planètes. »
A Topographie de l'art, on se demande si l'art peut être vu à travers le prisme de la science géographique pour être davantage appréhendé, analysé, et compris. L'art peut-il être contenu dans un lieu où il serait présenté sans aucun dépassement ? Peut-il être enfermé dans une carte géographique qui en maîtriserait sa force comme le suggère le nom « topographie de l'art » ? C'est presque à dessein de contredire cette idée que les commissaires Kristell Loquet, Clara Dijan et Nicolas Leto ont monté l'exposition "Comme un fleuve qui déborde". Ils filent ensemble la comparaison de l'art contemporain comme élément instable qui se mêle, se croise, se chevauche, et déborde. La clé est dans ce dernier mot : l'idée de débordement, de ne pas pouvoir être retenu et maîtrisé, que ce soit par le cadre d'une œuvre ou par la couverture d'une revue. Le dessin ne rentre pas dans les cases et les mots ne s'arrêtent pas à la ligne : tout n'est que raz-de-marée et cataclysme, débordement et lame de fond artistique.
Le débordement est filé à travers une métaphore de Jean-Luc Parant : « Donne-moi un texte ou une image de toi quand tu es le plus vivant ou la plus vivante, quand tu débordes de toi-même sur ta feuille de papier, sur la toile, sur ton écran, sur ton mur... quand tu fais un vœu, quand ton cœur s'épanche, quand tu es heureux d'être là, et j'accrocherai ton œuvre dans mon précieux panthéon ». L'art est présenté comme débordement de soi-même, qui a besoin d'autres supports que son propre être pour subsister. La peinture « jaillit » sur le papier d'André Cervera dans cette tempête artistique, incapable d'être contenue dans l'intériorité de l'artiste, et qui représente finalement la vie dans sa forme la plus mouvementée.
Cet écoulement de l'art se caractérise aussi par la continuité, le flux qui coule sans s'arrêter comme l'explique Pierre Tilman en parlant de sa série des "îles flottantes", débutée en 1977, puis « réactivée » en 2012, et à nouveau en 2020, et encore une fois à Topographie de l'art. L'inspiration dérive et prend le large, coule et s'écoule, mais revient toujours dans ce fleuve discontinu qui « s'épanche pour faire naître le monde vivant ». La poésie est alors partout dans la revue de Jean-Luc Parant, mêlant figures de style et œuvres d'art plastiques, écriture et peinture. Le débordement est de tous les côtés, et n'a pas fini de s'arrêter de dépasser les frontières.

Lolita Fragneau

Quand


20/05/2022 - 16/07/2022

Les artistes