[...] En 1975, désirant se confronter au monumental, Baselitz s’installe avec sa famille dans le château médiéval de Derneburg, prenant pour atelier une ancienne salle d’armes. C’est dans ce vaste espace mal chauffé qu’il taille à la tronçonneuse des troncs entiers de bois d’Europe du Nord, tilleul, cèdre, hêtre et bouleau. La chute du mur de Berlin en 1989 fait remonter en lui ses souvenirs enfouis de la Seconde Guerre mondiale. Une semaine après les terribles bombardements alliés sur Dresde en 1945, le petit garçon de sept ans a traversé dans un chaos absolu les rues invisibles d’une ville qui n’existait plus. En hommage aux Femmes de Dresde, ces Allemandes qui ont déblayé pierre par pierre les décombres en échange de tickets de rationnement, il travaille pendant une année sur une série de têtes entièrement teintées de jaune. Réduits à des formes ovoïdes géantes, les visages sont massacrés à la tronçonneuse, brutalisés, entaillés, saignés, criblés de trous, à l’image de murs mitraillés. [...]

Extrait de l’article de Emmanuel Daydé, publié dans le N°99 de la revue Art Absolument.

Site de l'exposition