La fine couche de papier grisé déposée par Ernest Pignon-Ernest ne cherche pas à dissimuler les sillons de sang imprégnés dans les murs de Port-au-Prince mais bien au contraire, à dévoiler une histoire encore méconnue. Étendus au mur ou à La Croix, Ernest Pignon-Ernest esquisse les traits de Charlemagne Péralte et Jacques Stephen Alexis, deux intellectuels et poètes assassinés pour l’un par l’impérialisme, l'autre par le nationalisme. Les longues litanies d'épreuves, d'assassinats, de cruautés qui frappent Haïti laissent le sentiment d'abandon, d'une mort de Dieu. Ce délaissement, exploré dans les collages d’Ernest Pignon Ernest, transforme les lieux en paysages plastiques. Du christ il ne reste qu’un bras, sa croix hier si lourde semble s'élever de son ombre portée, cependant surplombée par cette stèle blanche, peut-être rédemptrice, du cimetière jonché derrière. Ce qu'il y a en ce dessin, c'est aussi le cœur d'Haïti, celui dans lequel il voit un :

« incroyable foisonnement qui y règne, les tragiques conséquences du séisme de 2010 qui perdurent, la cathédrale en ruine, la vitalité de création et le syncrétisme religieux qui imprègne tout cela ». Ernest Pignon-Ernest

Tout cela est peut-être ce que l'on appellerait la créolisation - plus qu'un métissage - c'est une hybridation imprévisible, synthèse de ces éléments d'histoire si forts. En somme, une “intervalorisation” des cultures et poétiques diverses qui depuis l'œuvre d'Ernest Pignon-Ernest se révèlent encore un fois à nous.

Erwin Orassibé

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