Géographe d’exception, Jacques Élisée Reclus fut aussi un militant anarchiste attentif à chaque détail du paysage s’offrant à son regard comme à chaque trait des personnalités avec lesquelles il échangeait. Écrivain visionnaire, la description de son Histoire d’un ruisseau de 1869 résume à elle seule sa propension à considérer de la même manière la modestie d’un détail et le spectacle grandiose d’un élément majeur. « Chose admirable et qui m’enchante toujours ! ce ruisselet est pauvre et intermittent ; mais son action géologique n’en est pas moins grande ; (…) C’est le mince filet liquide qui a creusé l’énorme fosse (…) Est-il un Mississippi, un fleuve des Amazones qui proportionnellement à sa masse d’eau, accomplisse à la surface de la terre la millième partie de ce travail ? », écrit-il.
Dans cette exposition-hommage à cette personnalité multiple, les œuvres contemporaines de Florentine et Alexandre Lamarche-Ovize s’accorde à la pensée d’Elisée Reclus : une pluralité de motifs réalistes et imaginaires s’y entremêlent sur un même plan, sans qu’aucun ne supplante jamais les autres. Au fil des peintures et dessins, un arbre jouxte deux pans de couleur bleue prenant la forme de deux vagues agitées ; des formes orangées ou roses elles aussi comme découpées dans la couleur se détachent d’un fond où un morceau de nature est précisément rendu, se combinant librement. Biographique, le parcours s’ouvre sur un portrait d’Elisée Reclus, et se termine par un accrochage pour le moins surprenant de sept céramiques représentant les chevelures de personnalités avec qui il noua des liens d’amitié et de travail, comme Louise Michel, Naomie Reclus ou Frantisek Kupka. Du reste, l’ensemble est éclectique, notamment dans l’usage des médiums (éléments dessinés, peints, sérigraphies, imprimés…), et l’accrochage particulièrement dense – sol, murs et même plafond sont investis –, à l’instar de la riche vie d’Elisée Reclus.

Emma Noyant

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