Ellsworth Kelly. Fenêtres
L'exposition
S'il est le fait d'un Américain, l'art d'Ellsworth Kelly a décidément fort à faire avec la France. La réunion au Centre Pompidou de la série des « Windows » le rappelle, faisant suite à la présentation l'année dernière à la Collection Lambert en Avignon de la donation d'une cinquantaine de ses estampes à l'INHA.
Installé en France de 1948 à 1954, Kelly s'y attache à donner corps à une géométrie d'autant plus intense qu'elle se réduit à la simplicité la plus franche. Une première « Fenêtre », peinte lors de son séjour de l’été 1949 à Belle-Île, résumée à son squelette – et écho à la structure d'un châssis – ouvre la voie à cinq autres, toutes rassemblées pour l'exposition parisienne avec des études liées et des œuvres procédant de recherches connexes. De l'une à l'autre, on sent Kelly traversé par ses inspirations, celle de Jean Arp notamment – qu’il rencontre alors –, dans les résonances organiques de « Cut Out in Wood » (1950), un objet en bois enduit de plâtre reprenant en creux le tracé du châssis. Plus largement, celle de la rigueur de l'architecture romane que ce séjour lui donne l’occasion d’aller admirer point partout. Et Kelly en trouve in fine la correspondance dans certains édifices modernistes : « Window VI », la dernière et la plus grande de la série, décline directement sa perception d’une fenêtre du Pavillon suisse de la Cité universitaire, conçu en 1930 par Le Corbusier et Pierre Jeanneret. Déclarant que « tout est beau, sauf ce que l'homme a essayé intentionnellement de rendre beau », les recherches d’Ellsworth Kelly trouvent de fait leur accomplissement dans un exercice de perception. Et procède par déduction formelle, à laquelle il ne va cesser de revenir, comme le montre au Centre Pompidou des œuvres plus tardives, dont les deux châssis entoilés de « White Over Black III », achevée juste avant sa disparition en 2015. C’est là le principal enseignement de cette exposition, où l’on peut suivre le déploiement de ses recherches plastiques, d’où se dégage un vocabulaire qui est propre. Celui-ci s’ancre dans le passage du volume au plan, et dans l’exploration des possibilités qu’offre la pensée de la forme en négatif. En témoignent des photographies prises plus tard par l’artiste, où l’ombre portée dans le renfoncement d’une fenêtre dessine une masse noire triangulaire, dont l’on retrouve la forme dans ses compositions. Mais avec les« Windows », Kelly réagit aussi à l’emprise des ready-mades de Duchamp. Et en diverge. L’introduction de ce que l’Américain désigne comme des « already mades », ponction dans le commerce du réel, sera la pierre d’angle de son art de la structure. Cherchant à minimiser toute volonté d’expression personnelle, Kelly échappe à la singularité de l’objet en le ramenant dans les deux dimensions du tableau.
Tom Laurent
Installé en France de 1948 à 1954, Kelly s'y attache à donner corps à une géométrie d'autant plus intense qu'elle se réduit à la simplicité la plus franche. Une première « Fenêtre », peinte lors de son séjour de l’été 1949 à Belle-Île, résumée à son squelette – et écho à la structure d'un châssis – ouvre la voie à cinq autres, toutes rassemblées pour l'exposition parisienne avec des études liées et des œuvres procédant de recherches connexes. De l'une à l'autre, on sent Kelly traversé par ses inspirations, celle de Jean Arp notamment – qu’il rencontre alors –, dans les résonances organiques de « Cut Out in Wood » (1950), un objet en bois enduit de plâtre reprenant en creux le tracé du châssis. Plus largement, celle de la rigueur de l'architecture romane que ce séjour lui donne l’occasion d’aller admirer point partout. Et Kelly en trouve in fine la correspondance dans certains édifices modernistes : « Window VI », la dernière et la plus grande de la série, décline directement sa perception d’une fenêtre du Pavillon suisse de la Cité universitaire, conçu en 1930 par Le Corbusier et Pierre Jeanneret. Déclarant que « tout est beau, sauf ce que l'homme a essayé intentionnellement de rendre beau », les recherches d’Ellsworth Kelly trouvent de fait leur accomplissement dans un exercice de perception. Et procède par déduction formelle, à laquelle il ne va cesser de revenir, comme le montre au Centre Pompidou des œuvres plus tardives, dont les deux châssis entoilés de « White Over Black III », achevée juste avant sa disparition en 2015. C’est là le principal enseignement de cette exposition, où l’on peut suivre le déploiement de ses recherches plastiques, d’où se dégage un vocabulaire qui est propre. Celui-ci s’ancre dans le passage du volume au plan, et dans l’exploration des possibilités qu’offre la pensée de la forme en négatif. En témoignent des photographies prises plus tard par l’artiste, où l’ombre portée dans le renfoncement d’une fenêtre dessine une masse noire triangulaire, dont l’on retrouve la forme dans ses compositions. Mais avec les« Windows », Kelly réagit aussi à l’emprise des ready-mades de Duchamp. Et en diverge. L’introduction de ce que l’Américain désigne comme des « already mades », ponction dans le commerce du réel, sera la pierre d’angle de son art de la structure. Cherchant à minimiser toute volonté d’expression personnelle, Kelly échappe à la singularité de l’objet en le ramenant dans les deux dimensions du tableau.
Tom Laurent
Quand
27/02/2019 - 27/05/2019