The Remains of Love. Dernier regard avant le Brexit?
L'exposition
Tom Laurent: On sait qu’un certain esprit pop, critique parfois et libertaire souvent, a soufflé bien au-delà de l’Angleterre. Antony Donaldson fut l’ami d’Ed Ruscha en Californie, où David Hockney s’est aussi installé un temps. Qu'est-ce qui distingue le Pop anglais de son versant américain, que le marché de l'art a davantage plébiscité ?
Charles-Henri Filippi: L’Angleterre crée le Pop, cet art « witty, sexy, popular and low cost » comme le définit à l’époque Richard Hamilton, mais le fait à la manière d’un art européen sur une toile à la composition classique, où la brosse du pinceau (le « painterliness ») compte encore ; l’Amérique s’en saisit aussitôt et l’adapte à sa manière et à son marché : dimension, centralité de l’objet, et aplats de peinture. Dans son livre Paris-New York, Marc Fumaroli a analysé avec justesse ce goût de l’Amérique pour le massif et sa rupture avec l’intimité de l’art européen. C’est d’ailleurs pour cela que j’apprécie le Pop anglais, moins hors-sol d’une certaine manière. Cela étant, le Pop anglais s’est aussi laissé influencer par l’esprit américain, comme on le voit chez Hockney ou chez Gerald Laing.
T.L.: Les voyez-vous comme les tenants d’une esthétique homogène ou plutôt comme les véhicules d’un éclectisme ?
C.-H.F.: Il existe une unité dans le Pop Art quant aux thématiques abordées, comme la représentation assez fraîche d’une culture où on parle souvent des stars, des objets de la vie nouvelle. Le Pop a ceci de particulier qu’il est une expression culturelle plus large, qui s’introduit dans l’art, sans que l’on puisse savoir si les artistes se sont inspirés des maîtres anciens ou ont commencé par regarder leur époque en se disant : « Tiens, pourquoi pas en faire un tableau ? » Si la qualité picturale de leurs productions en termes de réalisme est variable – celle de Peter Blake m’apparaît l’une des plus abouties –, l’intérêt de ces œuvres est également qu’elles sont des morceaux précoces d’une histoire culturelle.
Et puis il y a la couleur, très forte. Si Peter Blake avait une palette plutôt sobre, avec des bistres et ocres, Pauline Boty ou Gerald Laing préféraient des couleurs vives. Et j’apprécie que les Anglais aient su cultiver la provocation à leur manière, sans être jamais outranciers. Dans le travail d’Antony Donaldson par exemple, les femmes sont très attirantes et dénudées, mais toujours dénuées de vulgarité.
T.L.:Exposer à Paris le Pop anglais à l’heure du Brexit, même si la forme et l’agenda de celui-ci reste complexe à prévoir à l’heure où nous parlons, n’est bien sûr pas fortuit. Quelle est la teneur de cette adresse ?
C.-H.F.:En prenant l’initiative de cette exposition, j’exprime une double nostalgie : celle d’abord de notre lien avec les Britanniques qui risque de se fracturer alors que nous avons tant en commun, et notamment cette incomparable manière européenne de faire de l’art et de la culture ; celle ensuite de cette époque où ceux qui voulaient changer le monde le faisaient avec vigueur, mais avec fraîcheur et optimisme, alors que nous semblons aujourd’hui portés par l’amertume : je préfère évidemment le Pop au populisme !
Les artistes : Billy Apple, Clive Barker, Peter Blake, Derek Boshier, Pauline Boty, Antony Donaldson, Richard Hamilton, Jann Haworth, Adrian Henri, David Hockney David Inshaw, Allen Jones, Gerald Laing, Lewis Morley, Peter Phillips, Colin Self, Joe Tilson.
Charles-Henri Filippi: L’Angleterre crée le Pop, cet art « witty, sexy, popular and low cost » comme le définit à l’époque Richard Hamilton, mais le fait à la manière d’un art européen sur une toile à la composition classique, où la brosse du pinceau (le « painterliness ») compte encore ; l’Amérique s’en saisit aussitôt et l’adapte à sa manière et à son marché : dimension, centralité de l’objet, et aplats de peinture. Dans son livre Paris-New York, Marc Fumaroli a analysé avec justesse ce goût de l’Amérique pour le massif et sa rupture avec l’intimité de l’art européen. C’est d’ailleurs pour cela que j’apprécie le Pop anglais, moins hors-sol d’une certaine manière. Cela étant, le Pop anglais s’est aussi laissé influencer par l’esprit américain, comme on le voit chez Hockney ou chez Gerald Laing.
T.L.: Les voyez-vous comme les tenants d’une esthétique homogène ou plutôt comme les véhicules d’un éclectisme ?
C.-H.F.: Il existe une unité dans le Pop Art quant aux thématiques abordées, comme la représentation assez fraîche d’une culture où on parle souvent des stars, des objets de la vie nouvelle. Le Pop a ceci de particulier qu’il est une expression culturelle plus large, qui s’introduit dans l’art, sans que l’on puisse savoir si les artistes se sont inspirés des maîtres anciens ou ont commencé par regarder leur époque en se disant : « Tiens, pourquoi pas en faire un tableau ? » Si la qualité picturale de leurs productions en termes de réalisme est variable – celle de Peter Blake m’apparaît l’une des plus abouties –, l’intérêt de ces œuvres est également qu’elles sont des morceaux précoces d’une histoire culturelle.
Et puis il y a la couleur, très forte. Si Peter Blake avait une palette plutôt sobre, avec des bistres et ocres, Pauline Boty ou Gerald Laing préféraient des couleurs vives. Et j’apprécie que les Anglais aient su cultiver la provocation à leur manière, sans être jamais outranciers. Dans le travail d’Antony Donaldson par exemple, les femmes sont très attirantes et dénudées, mais toujours dénuées de vulgarité.
T.L.:Exposer à Paris le Pop anglais à l’heure du Brexit, même si la forme et l’agenda de celui-ci reste complexe à prévoir à l’heure où nous parlons, n’est bien sûr pas fortuit. Quelle est la teneur de cette adresse ?
C.-H.F.:En prenant l’initiative de cette exposition, j’exprime une double nostalgie : celle d’abord de notre lien avec les Britanniques qui risque de se fracturer alors que nous avons tant en commun, et notamment cette incomparable manière européenne de faire de l’art et de la culture ; celle ensuite de cette époque où ceux qui voulaient changer le monde le faisaient avec vigueur, mais avec fraîcheur et optimisme, alors que nous semblons aujourd’hui portés par l’amertume : je préfère évidemment le Pop au populisme !
Les artistes : Billy Apple, Clive Barker, Peter Blake, Derek Boshier, Pauline Boty, Antony Donaldson, Richard Hamilton, Jann Haworth, Adrian Henri, David Hockney David Inshaw, Allen Jones, Gerald Laing, Lewis Morley, Peter Phillips, Colin Self, Joe Tilson.
Quand
30/03/2019 - 16/04/2019
Les artistes
David Hockney
Pauline Boty
Antony Donaldson
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