Mehdi Meddaci, Valère Coste, Claire Chesnier,... Talents contemporains 2012
L'exposition
La Fondation François Schneider est née en 2000 d'un projet initial de « musée de l'Eau » au sein de la localité de Wattwiller, sur les contreforts des Vosges, connue pour sa richesse en sources d'eau minérale. En 2013, le bâtiment qui accueille ses activités liés à l'art contemporain a été inauguré après plusieurs années de travaux. Cependant, un prix récompensant des artistes en activité a été mis en place dès 2011, avec un appel à concours d’œuvres possédant un lien avec l'eau. Lors de chaque édition, ces Talent contemporains distinguent par le biais de rapporteurs et d'un jury 6 œuvres – une par catégorie (dessin, photographie, peinture, sculpture, installation et vidéo) – plus un grand prix intitulé Talent d'eau, ces 7 œuvres étant acquises par la fondation. Les primés de l'édition 2011 ont été exposés en 2013, tandis que cette année 2014 voit la présentation des Talents contemporains de 2012, dont l'exposition est augmentée d’œuvres des artistes lauréats, qui permettent de rentrer plus largement dans leur démarche. En effet, si chacune des œuvres possède un lien avec l'eau comme thématique, il s'agit, selon Viktoria von der Brüggen, commissaire de l'exposition, de présenter « des œuvres ayant leur logique propre », soit de ne pas réduire leur perception à une lecture univoque.
Ainsi en va-t-il des peintures de Claire Chesnier, née en 1986, dont l'eau est l'un des éléments constitutifs du protocole de travail, mais qui apparaissent avant tout marquées par la volonté de créer un espace pictural rendant visible sa propre production. Dans une logique de flux très lent, le jeu conjoint des encres colorées qu'elle appose sur des papiers aquarelle imprégnés d'eau et de ses gestes permet l'apparition sur le support d'une forme préalablement pensée et cadrée. En contrepoint à cette pratique reposant sur un formalisme rigoureux, les dessins de Jessie Brennan cherchent par leur iconographie à traduire des rencontres au fil des berges de l'Hackney, petite rivière de Londres. L'artiste est allé piocher dans les souvenirs et les attentes des habitants de ce quartier longeant la rivière et en transformation pour composer une « boîte à outils » de motifs graphiques. Ainsi informés, ces dessins tirent leur force des jeux d'échelle et de la répartition des éléments industriels sur le support. Dans le même espace, les sculptures de Valère Coste semblent des machines singeant les procédés scientifiques à des fins simultanément critiques et poétiques: l’œuvre acquise par la fondation, « Dark Rain », transcrit de façon artificielle l'impact de la pluie sur un bassin, mais c'est une pluie de l'intérieur, inversée, qui retombe sur elle-même du fait de la gravité. Si le mécanisme actionnant ces jeux d'eau possède un caractère graphique qui lui est propre, cette entreprise à la Sisyphe rappelle les machines de Tinguely, autant pour leur caractère d'expression de la vanité que pour leur volonté de voir dans l'élément aquatique une extension de la sculpture. Les photographies primées de l'américaine Rahshia Linendoll-Sawyer apparaissent liées par leur imagerie à des états de mises hors contrôle, avec leurs corps chutant dans l'eau ou leur flou plus attendu. La vidéo de Nour Awada montrant une figure féminine résistant à la pluie atteint l'ambivalence d'un regard entre séduction et répulsion. Les deux sculptures augmentant la perception du travail de cette jeune artiste permettent l'expression de cette ambiguïté dans une dimension haptique. L’œuvre acquise d'Hicham Berrada pour la catégorie installation ne retiendrait pas l'attention si l'artiste ne mettait pas en jeu les conditions de développement de la vie. Son « Arche de Miller-Urey » est donc un espace en attente, aquarium quasi vide qui contraste avec les trois œuvres « Présages » lui faisant face, véritable foisonnement évoluant en permanence par le jeu de la chimie. Enfin, le Talent d'eau a été délivré à Mehdi Meddaci pour son installation filmique « Murs », daté de 2011 : celle-ci voit des migrants refaire le trajet inverse de Paris à Alger, dont le père de l'auteur est originaire, en passant par Marseille et la traversée de la Méditerranée, l'un des motifs de cette vidéo. Postulant une vision chorégraphique de l'exil, cette œuvre traite par l'ellipse de sujets liés à la conditions des migrants. Toute approche documentaire mise à distance, seules apparaissent des scènes allégoriques instituant des « moments » visibles de la vie de ces migrants : l'attente, les formes précaires de l'échange et de la solidarité, l'espoir déçu... dans ces scènes à la plastique très maîtrisées, Mehdi Meddaci isole des postures, éclate le récit tout comme l’installation à la fondation, sur ses cinq grands écrans, rend fragmentaire notre vision de l'ensemble.
Tom Laurent
Ainsi en va-t-il des peintures de Claire Chesnier, née en 1986, dont l'eau est l'un des éléments constitutifs du protocole de travail, mais qui apparaissent avant tout marquées par la volonté de créer un espace pictural rendant visible sa propre production. Dans une logique de flux très lent, le jeu conjoint des encres colorées qu'elle appose sur des papiers aquarelle imprégnés d'eau et de ses gestes permet l'apparition sur le support d'une forme préalablement pensée et cadrée. En contrepoint à cette pratique reposant sur un formalisme rigoureux, les dessins de Jessie Brennan cherchent par leur iconographie à traduire des rencontres au fil des berges de l'Hackney, petite rivière de Londres. L'artiste est allé piocher dans les souvenirs et les attentes des habitants de ce quartier longeant la rivière et en transformation pour composer une « boîte à outils » de motifs graphiques. Ainsi informés, ces dessins tirent leur force des jeux d'échelle et de la répartition des éléments industriels sur le support. Dans le même espace, les sculptures de Valère Coste semblent des machines singeant les procédés scientifiques à des fins simultanément critiques et poétiques: l’œuvre acquise par la fondation, « Dark Rain », transcrit de façon artificielle l'impact de la pluie sur un bassin, mais c'est une pluie de l'intérieur, inversée, qui retombe sur elle-même du fait de la gravité. Si le mécanisme actionnant ces jeux d'eau possède un caractère graphique qui lui est propre, cette entreprise à la Sisyphe rappelle les machines de Tinguely, autant pour leur caractère d'expression de la vanité que pour leur volonté de voir dans l'élément aquatique une extension de la sculpture. Les photographies primées de l'américaine Rahshia Linendoll-Sawyer apparaissent liées par leur imagerie à des états de mises hors contrôle, avec leurs corps chutant dans l'eau ou leur flou plus attendu. La vidéo de Nour Awada montrant une figure féminine résistant à la pluie atteint l'ambivalence d'un regard entre séduction et répulsion. Les deux sculptures augmentant la perception du travail de cette jeune artiste permettent l'expression de cette ambiguïté dans une dimension haptique. L’œuvre acquise d'Hicham Berrada pour la catégorie installation ne retiendrait pas l'attention si l'artiste ne mettait pas en jeu les conditions de développement de la vie. Son « Arche de Miller-Urey » est donc un espace en attente, aquarium quasi vide qui contraste avec les trois œuvres « Présages » lui faisant face, véritable foisonnement évoluant en permanence par le jeu de la chimie. Enfin, le Talent d'eau a été délivré à Mehdi Meddaci pour son installation filmique « Murs », daté de 2011 : celle-ci voit des migrants refaire le trajet inverse de Paris à Alger, dont le père de l'auteur est originaire, en passant par Marseille et la traversée de la Méditerranée, l'un des motifs de cette vidéo. Postulant une vision chorégraphique de l'exil, cette œuvre traite par l'ellipse de sujets liés à la conditions des migrants. Toute approche documentaire mise à distance, seules apparaissent des scènes allégoriques instituant des « moments » visibles de la vie de ces migrants : l'attente, les formes précaires de l'échange et de la solidarité, l'espoir déçu... dans ces scènes à la plastique très maîtrisées, Mehdi Meddaci isole des postures, éclate le récit tout comme l’installation à la fondation, sur ses cinq grands écrans, rend fragmentaire notre vision de l'ensemble.
Tom Laurent
Quand
04/10/2014 - 28/12/2014