Première rétrospective d’envergure au Royaume-Uni consacrée au travail d’Anselm Kiefer, cette exposition retrace l’évolution des quarante ans de carrière de cet artiste contemporain allemand de renommée mondiale. À partir des œuvres issues de collections internationales privées et publiques ou créées pour l’occasion, la Royal Academy présente la diversité des moyens d’expression plastique utilisés par l’artiste – peinture, sculpture, photographie, installation – en même temps que la persistance des thèmes étudiés : l’histoire, la mémoire collective, les ruines, la Seconde Guerre mondiale, l’Allemagne nazie. Loin de se penser en artiste éthéré situé au-dessus de la mêlée, Anselm Kiefer assume son ancrage dans l’histoire en se confrontant notamment au paysage allemand, sujet iconographique privilégié des romantismes du début du XIXe siècle et du IIIe Reich, idéologie du sang et du sol qui lutte pour installer la race aryenne sur son « espace vital ». Œuvres monumentales composées d’argile, de cendre, de terre, de plomb, de tissu ou encore de fleurs séchées, les paysages anxiogènes de Kiefer révèlent leur historicisation. Pour celui qui « ne voit pas de forêt qui ne porte une marque ou un signe de l’histoire », les paysages sont signifiés par l’homme, chargés d’histoire – qui, en effet, voit en Buchenwald seulement une « forêt de hêtres » ? Par ses paysage-palimpsestes, Kiefer s’approprie la mémoire allemande, et par extension relie tout paysage à sa fonction de théâtre des histoires nationales : celle de la France par exemple, où « un sang impur abreuve nos sillons ».

Thibault Mirabel

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