« Où ira-t-on quand les lumières s’éteindront et que l’on se rassemblera ? » demande la fougueuse poétesse et peintre américano-libanaise Etel Adnan. « On ira tous au paradis » semble lui répondre son contemporain Shafic Abboud, dont les peintures ivres de lumières, tissées de couleurs comme des tapis, closes comme des jardins d’Éden et bruissantes comme des miniatures persanes, semblent des visions transfigurées d’un réel insaisissable. Toute son œuvre paraît poursuivre une certaine idée bonnardienne de la joie de vivre, comme le prouve à l’envi le titre d’un de ses tableaux intitulé Cette place pour le bonheur. Abboud demeure un mystique de l’instant, capable de tout sacrifier à ce dieu sauvage. De nature cependant inquiète, l’artiste levantin lutte désespérément contre le temps qui nous dévore et la dépression qui le menace, en faisant papillonner et vibrer ses toiles d’un feu qui brûle, échauffe et se consume, usant de toutes les variations jaunes, orange et rouges de l’Orient compliqué. À Paris, a galerie Claude Lemand lui consacre une exposition à la hauteur de son talent, tandis que deux œuvres ce libanais lumineux sont visibles dans le nouvel accrochage du Centre Pompidou, Modernités Plurielles.

Extrait de l'article d'Emmanuel Daydé publié dans le N° 57 de la revue Art Absolument: parution le 10 janvier 2014

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