Fidèle à la réflexion qui oriente le choix des différentes interventions émaillant sa programmation, l’exposition d’automne du domaine de Kerguéhennec présente principalement trois artistes dont les pratiques peuvent s’enorgueillir d’une grande prise en considération des questions liées aux rapports de l’art à son environnement. Sans pour autant perdre de vue les questionnements propres aux médiums respectifs dont ils ont l’usage. Tout d’abord, l’œuvre intensément picturale de Jérôme Boutterin, visible au château, part d’une grille minimaliste dont il assouplit les trames pour donner lieu à ce que le peintre nomme des « improvisations conscientes ». Monochromie en trompe-l’œil et agencement de fragments de peinture tissent une surface all-over, un réseau de contrepoints. Les photographies de Franck Gérard souhaitent elles aussi rendre compte d’une construction : il ne s’agit plus du maillage qui met à plat la peinture, comme chez Jérôme Boutterin, mais de la part irréductiblement fictive d’un paysage. C’est au cours d’une résidence longue d’un an au domaine de Kerguehénnec que Franck Gérard a pu décrire ce territoire dans sa « dimension autarcique », par le biais de l’image. Enfin, dans ses dernières sculptures, Claire-Jeanne Jézéquel se sert de matériaux de construction bon marché, teintés en rouge ou bleu, qu’elle assemble sous la forme de bacs ou de plans et qu’elle dispose dans l’espace. Le jeu des paradoxes - entre héritage minimaliste et tentation baroque, entre géométrie sculpturale, liée à la prégnance des matériaux de construction, et forme expressionniste de la peinture, entre trivialité et superbe - constitue la basse continue de ces réalisations.

Tom Laurent

Site de l'exposition