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Drawing Now Art Fair 2018



À l’exemple d’Abdelkader Benchamma, primé lors de l’édition 2015 de Drawing Now, s’aventurant dans de nouveaux territoires graphiques en réalisant un album avec l’éditeur de bande dessinée L’Association ou de Jochen Gerner, qui lui succéda comme lauréat tout en menant une carrière dans l’illustration de presse, le salon parisien consacre cette année une exposition explorant les traits communs au dessin contemporain et au neuvième art, à l’aide des collections de la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image. Joana P. R. Neves, qui en est la commissaire avec Philippe Piguet, revient sur cette histoire de passage fécond d’un genre à l’autre.

Tom Laurent : Quels traits communs à la BD et au dessin contemporain avez-vous retenus en particulier pour l'exposition BD/DRAWING: Correspondances au sein de Drawing Now ?

Joana P. R. Neves : Dans l’idéal, une exposition découpée par sections pourrait désigner de façon exhaustive les espaces où ces langages se recoupent. Par exemple, sortir du cadre est l’une des grandes préoccupations du modernisme, et l’on retrouve dans la bande dessinée la grille et l’extrapolation de la vignette, quand soudain une histoire s’étend à la page entière. Il y a également la notion très française d’antihéros que l’on retrouve dans l’art contemporain ou un certain goût pour l’humour absurde, un peu mélancolique, dont le duo Hippolyte Hentgen par exemple est porteur. L’un des aspects qui nous a aussi retenus dans la bande dessinée tient au travail de groupe qu’elle implique : celui qui écrit l’histoire, l’illustrateur, le coloriste… Cette multiplicité de rôles correspond avec les artistes qui travaillent en binôme ou collectivement. Dans l’exposition, le livre comme médium a sa place du côté des artistes. Susanne Themlitz en a réalisé de nombreux, mais le plus narratif est son leporello de 2005, Un Ver de terre bavarois. Et si l’on pense à un parrain spirituel pour cette exposition, c’est la figure de William Kentridge qui ressort, car son travail met en jeu le dessin, son animation par la vidéo, la construction d’un récit et la déconstruction de l’histoire – tout cela se muant en un langage, propre à lui-même.

Entretien par Tom Laurent
Publié dans le N°82 de la revue Art Absolument.
Parution le 23 Mars 2018