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Avant l'orage

Avant l'orage :  Danh Vo. Tropeaolum. Vue de l'exposition Avant l'orage, Bourse de Commerce – Collection Pinault, Paris, 2023. Courtesy de l’artiste et Pinault Collection. Photo : Aurélien Mole   


L'exposition


« Les arbres doivent-ils pouvoir plaider ? » demandait en 1972 le professeur de droit Christopher Stone, argumentant l’opposition à l’ouverture d’une station de ski dans une vallée californienne riche en séquoias. Depuis, quelques entités naturelles se sont vues accorder le statut de personne juridique – comme le fleuve Whanganui par le parlement néo-zélandais en 2017 –, mais c’est à penser la vie sans l’humain que songent de plus en plus d’artistes, rapports répétés et désespérés du GIEC obligent. Pour toute une saison intitulée Avant l’orage, Emma Lavigne a convoqué certaines de leurs œuvres, issues de la Collection Pinault. A Way in Untilled (2012) de Pierre Huyghe en est exemplaire : filmé dans un espace de compost où « le physique, le biologique et le minéral croissent sans nous », il nous rend intense la suite de micro-évènements qui s’y tient, tout en nous laissant en dehors de leur sens. Quitte à incarner le paradoxe du concept d’anthropocène, à savoir que l’homme est au centre – responsable – et en marge – devant partager son pouvoir avec une infinité de non-humains. En tension chez Huyghe, ce rôle s’avère plus surplombant dans le spectaculaire diorama vidéo d’Hicham Berrada, synchronisé sur la transformation de métaux plongés dans un bain de chimie tandis qu’Anicka Yi fait œuvre d’un autre scénario, mimant la convergence de différents règnes. Collaborant avec une intelligence artificielle pour réaliser des peintures d’un genre indéterminé, elle va jusqu’à enfermer dans des lanternes organiques aux allures de cocons des insectes animés électroniquement. Le futur existait déjà dans le passé : bien avant que l’on puisse soupçonner cet article d’être le fruit d’une question à ChatGPT, Alina Szapocznikow offrait déjà son corps à l’hybridation, moulant ses propres fesses pour en tirer les pétales de ses Sculpture-Lampes (1970) et liant son destin à son ultime – et fatal – matériau, le polyester.


Extrait de l'article de Tom Laurent publié dans le N°105 de la revue Art Absolument. Parution le 17 mars 2023.

Quand


08/02/2023 - 11/09/2023